jeudi 15 mars 2012

Phnom Penh, capitale du souvenir d'une terrible époque...

Nous nous réveillons une énième fois de bonne heure pour quitter le sud du Cambodge et rejoindre la capitale, Phnom Penh. Après 4h de bus, nous arrivons à destination. Nous descendons rapidement du bus pour attraper nos sacs en soute ou du moins en dehors, le personnel de la compagnie les ayant gentiment balancés dehors! Sous la chaleur et notamment la pollution de la capitale, nous entamons une longue marche à travers les rues de Phnom Penh direction Sary Rega Guesthouse. 
La ville qui compte plus de 2 millions d'habitants est la plus peuplée du Cambodge. Surnommée la « perle de l'Asie du Sud-Est » à l'époque coloniale, les français ont conçu une ville quadrillée de larges avenues bordées de luxueux bâtiments pour mettre en valeur l'architecture khmère. Heureusement, quelques grandes trouées vertes et les promenades des berges permettent encore aujourd'hui à la ville de respirer malgré la congestion automobile grandissante.

Après quelques kilomètres de marche, nous arrivons enfin à la guesthouse. Situé dans un quartier résidentiel calme, nous y sommes accueillis en français par le membre du personnel, celle-ci étant tenue par une famille franco-cambodgienne.
Nous repartons aussitôt en direction du Lucky's bar, un restaurant conseillé par Loïc, mon grand frère, afin de déjeuner et surtout de remettre un CD de photos prises lors de son passage à Phnom Penh pour un stage à l'hôpital Calmette. Nous nous rendons donc rue 93 et arpentons de long en large la rue sans pouvoir trouver ce fameux restaurant. Après 1h30 de recherche dans le quartier, dépités, nous déjeunons tardivement et rentrons à la guesthouse. Nous y passons la fin d'après-midi et dînons au restaurant de l'hôtel.


Le lendemain, nous nous levons tardivement et partons en direction du Musée National des Beaux-Arts. Construit par les français dans les années 1920 dans le respect de l'architecture khmère, ce musée contient des chefs-d’œuvre de l'art khmer, la plupart provenant d'Angkor. Une heure et demi nous suffit pour faire le tour du musée.



Nous déjeunons et filons ensuite visiter le Palais Royal et la pagode d'Argent, d'inspiration traditionnelle khmère. Commandés à des architectes cambodgiens et français par le roi Norodom, puis Sisowath, le palais actuel et les différents bâtiments ne datent que du début du XXème siècle. La pagode d'Argent, quant à elle, fut érigée à la fin du XIXème siècle, puis reconstruite en 1962. Elle n'est pas la plus ancienne pagode de la ville mais sans doute la plus luxueuse. Nous nous baladons au milieu des hordes de touristes avant de nous rendre à nouveau rue 93, à la recherche du Lucky's Bar.





Ayant obtenu quelques précisions sur la localisation du restaurant par Loïc, nous voilà à nouveau demandant aux locaux si ils connaissent l'endroit. Nous nous décidons à leur montrer les photos et par chance, ils reconnaissent la famille cambodgienne. Ils nous expliquent que l'endroit a fermé et qu'ils ont désormais une guesthouse dans un autre quartier.
Bien décidés à trouver cette famille, nous voici partis avec un tuk-tuk. Arrivés sur place, nous avons la surprise d'apprendre qu'ils auraient vendu la guesthouse et seraient retournés dans leur ancien quartier ! Un peu désabusés, nous retournons, aidé par notre tuk-tuk, à la recherche de cette nouvelle guesthouse, Malis.
Finalement, le tuk-tuk la trouve et nous tombons sur les cousins de cette famille. Nous apprenons que le père, Som Nan, travaille avec eux en tant que vigile la nuit. Ravis d'avoir enfin trouvé, nous quittons les lieux avant d'y revenir pour le dîner.

En milieu de soirée, Som Nan arrive enfin et en voyant le grand sourire qu'il affiche en regardant les photos, nous sommes vraiment contents d'avoir continuer à les chercher malgré les difficultés. Il est vrai que dans une ville aussi grande que Phnom Penh, la tâche aurait pu s'avérer impossible !
Il nous remercie mille fois et nous raconte le temps du Lucky's Bar et les bons moments passés entre sa famille et Loïc. Malgré la barrière de la langue, nous discutons jusque tard avec lui et son beau-frère et repartons en promettant de revenir déjeuner le surlendemain.
Ayant appris qu'il travaillait comme tuk-tuk la journée, nous lui proposons de nous amener à l'aéroport le jour de notre départ pour Bangkok.



Pour notre 3ème jour, nous partons pour le Sud de Phnom Penh où nous voulions absolument visiter Tuol Sleng, le musée du Crime génocidaire.

Le 17 avril 1975, dans un contexte politique très complexe, les révolutionnaires Khmers rouges arrivent dans la capitale, et sont accueillis en liesse par la population. Ils prennent possession des points stratégiques de la ville et sous prétexte de bombardements américains imminents, procèdent en 48h à l'évacuation totale de Phnom Penh. 2,5 millions de personnes sont déportés de force vers les campagnes. Même les malades sont évacués dans de terribles conditions. Une poignée de révolutionnaires en profitent pour saccager tous les symboles de la société bourgeoise. C'est l'année zéro, aube d'une renaissance totale proclamée par les Khmers rouges.
Dans la foulée, toutes les villes du Cambodge sont ainsi évacuées. On ordonne à la population de gagner les rizières pour se mettre au travail, dans le but d'assurer l'autosuffisance alimentaire du « Kampuchéa démocratique », selon la nouvelle appellation du pays.
Durant sa déportation, la population est soigneusement triée en trois catégories. Les militaires sont conduits à l'écart pour être exécutés. Fonctionnaires et intellectuels, considérés comme suspects, sont envoyés dans des « villages spéciaux ». Le reste, classé sous l'appellation de « peuple » est prié de rejoindre son village natal et de se plier aux ordres pour gagner son riz quotidien. Les conditions de travail sont proches de l'esclavagisme et les repas limités au strict minimum.
Progressivement, toute la société cambodgienne est réorganisée sur le modèle d'une armée. Tout est remis en question : les gens doivent changer de nom, la lecture est remplacée à l'école par des danses et des chants révolutionnaires, l'argent est abolie, les époux sont choisis au hasard, les religions sont interdites,etc.
Cloisonnés dans les campagnes dont ils n'ont pas l'habitude, en proie aux maladies, au soleil, à la faim et aux travaux forcés, les citadins sont condamnés à brève échéance. Les hôpitaux sont interdits d'accès, les médicaments réservés aux combattants, les médecins traqués pour cause d'appartenance à la bourgeoisie... D'incessantes exactions sont commises sur la population sous prétexte de non-conformité idéologique. Les Khmers rouges haïssent les signes d'intelligence. « Il vaut mieux tuer un innocent que de garder en vie un ennemi » disent les bourreaux pour se justifier.

Tuol Sleng, un ancien lycée construit par les français, devient alors d'avril 1975 à janvier 1979, la prison la plus terrifiante du Cambodge des Khmers rouges. Plus de 20 000 personnes y passent, subissant les pires tortures avant d'être exécutées dans le camp d'extermination de Choeung Ek. Les Khmers rouges y enferment tous ceux qu'ils considèrent comme des intellectuels, opposants supposés au régime, pour n'importe quel motif, valable ou non, sans distinction d'âge : femmes, enfants et parfois même des familles entières (bébés compris). Tous le monde y passent : ouvriers, cadres, enseignants, ingénieurs, intellectuels, fonctionnaires, ministres et diplomates cambodgiens, et même des étrangers. Le simple fait de porter des lunettes (enfants compris), d'avoir un stylo, ou de parler une langue étrangère était suffisant pour être considéré comme intellectuel et donc « à exterminer ». Les gardiens photographiaient systématiquement les prisonniers à leur arrivée, ainsi qu'à leur mort. Baptisé S-21 par les hommes de Pol Pot, ce n'est malheureusement pas le seul endroit où les Khmers rouges commirent leurs atrocités.
Le lieu est assez édifiant, mais il reste difficile de saisir l'ampleur de l'horreur subi par le peuple cambodgien, tellement tout cela paraît surréaliste ! Sept prisonniers seulement furent retrouvés vivants. Au total, ce régime a tué près de 3 millions de Cambodgiens sur les 8 millions que comptait alors le pays !











Nous déjeunons ensuite au marché russe, le plus typique et le plus touristique de Phnom Penh, et finissons l'après-midi dans les allées de ce dernier. Nous rentrons à la guesthouse avant d'aller dîner dans un restaurant mexicain conseillé par Det, le guide touristique que nous avions rencontré à Kep.


Le lendemain, nous filons en direction de la poste avant de nous rendre déjeuner à nouveau dans la guesthouse Malis.


Ayant changés d'avis quant à la visite du camp d'extermination de Choeung Ek (nous ne pensions pas nous y rendre au début), nous demandons à David, le beau-frère de Som Nan, si ce dernier serait d'accord pour nous y accompagner. Som Nan accepte et nous voilà partis en début d'après-midi à 15km de là pour aller visiter Choeung Ek.

Rendu célèbre par le film La Déchirure (Killing Fields), ce camp de la mort fut exploité pendant 3 ans par les Khmers rouges. C'est ici qu'étaient amenés les prisonniers de Tuol Sleng pour y être exécutés. Des chants révolutionnaires étaient diffusés pour couvrir les cris des victimes afin d'éviter d'éveiller les soupçons de la population alentour. Les prisonniers (hommes, femmes, enfants et même bébés) étaient exécutés de manière barbare afin d'économiser les balles... Nous vous épargnerons les détails vraiment abominables...
Le site est désormais un lieu de mémoire où une stupa du souvenir a été érigé en mémorial du génocide cambodgien. Celle-ci contient une partie des ossements retrouvés dans les fosses communes.

Nous marchons dans ce lieu, orientés par notre audio-guide, expliquant à la fois l'histoire de ce génocide et le chemin effectué par les victimes de l'arrivée dans le camp jusqu'à leur exécution. Tout cela, ponctués de témoignages poignants. Plus de 129 fosses communes ont été découverte sur ce site et on dénombre plus de 300 terrains d'exécutions et de charniers à travers tous le Cambodge... Difficile de comprendre comment une telle chose a pu exister... De nombreux ossements et lambeaux de vêtements continuent, plus de trente ans après, à remonter à la surface...
No comment...







Nous repartons de là, hébétés et rentrons à la guesthouse avant de ressortir dîner tardivement. 



Le lendemain, notre avion pour Bangkok étant prévu à 17H05, nous restons tranquillement à la guesthouse, attendant que Som Nan vienne nous récupérer en début d'après-midi. Les au revoirs à l'aéroport sont assez émouvants et nous avons même droit, à notre grande surprise, à une accolade de sa part (les cambodgiens, n'étant pas spécialement un peuple très expansif).

Nous voilà donc à l'aéroport pour enregistrer nos bagages. Quel n'est pas notre surprise, quand nous apprenons que nous ne sommes pas sur la liste des passagers !! Quelques minutes plus tard, le steward nous apprends que le tour opérateur par lequel nous sommes passés, Travel Nation, a fait erreur sur la réservation... Ils ne nous ont pas réservé un vol Phnom Penh-Bangkok mais l'inverse !!
Nous décidons de joindre la compagnie, le steward nous ayant dit qu'il nous fallait racheter 2 billets d'avion et surtout, que nous n'avions qu'une demi-heure pour réagir !
Mais impossible de trouver une cabine fonctionnant dans l'aéroport et le temps passant, nous n'aurons pas d'autre choix que de racheter deux billets d'avion. En plus de ça, l'hôtesse m'explique que nous ne pouvons plus réserver de vols avec des bagages de 20kg, mais seulement des bagages de 15kg étant donné que nous réservons un vol pour le jour même. Elle me précise que nous pourrons nous acquitter de 15$ par kilo supplémentaire en cash bien sûr !

Les billets en main, je rejoins immédiatement John, resté au comptoir car nous n'avons plus que quelques minutes pour passer le check-in ! Nous vidons rapidement tous ce que nous pouvons de nos gros sacs pour qu'il ne dépasse pas les 15kg et remplissons à ras bord nos bagages cabines avant de courir dans l'aéroport pour passer l'immigration, la sécurité et enfin arriver à la porte d'embarquement juste à temps ! Merci Travel Nation !
Nous arrivons à Bangkok le soir venu et pouvons enfin nous poser après cette journée qui a bien dû être la pire depuis le début de nos aventures !


Nous nous envolons demain de Bangkok pour Sydney, puis immédiatement de Sydney à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, où nous retrouvons Yannick, mon petit frère, et Aurélia, sa petite copine. Nous avons loué deux camping-cars et allons passé trois bonnes semaines ensemble ! Nous avons hâte !!

3 commentaires:

  1. Grâce à vous je ne confondrai plus Thaïlande, Laos et Cambodge.Il était temps !
    Vos " carnets de route " sont de véritables leçons de Géo mais aussi d'Histoire.
    C'est toujours bon de vous lire ! Continuez à garder cette habitude d'écriture illustrée de belles photos; on s'en régale !
    " Tout plein " de bisous à vous partager.

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  2. coucou les cocos! encore une fois très intéressant de découvrir l'histoire de ce pays... et c'est agréablement raconté, un plaisir! je pense fort à vous et me réjouis de voir que vous vous en mettez plein la vue!

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    1. Hey Lisa! J'espere que ton stage se passe bien.
      Nous sommmes a Sydney en ce moment. Ca fait plaisir d'y revenir.
      Gros bisous a vous deux

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